Contre l'oubli de nos métamorphoses
« Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses » clame Paul Eluard... Et la grande problématique de l'individualisme reste son évidence, là où l'individu n'ignore pas une seule seconde qu'il en est un ; mais cela ne lui permet pourtant pas d'accéder à l'information sur son identité ni sur sa réalité...
En cela, l'individu n'est-il pas un masque ? peut-on s'y leurrer ? de quoi est-il composé et peut-on y croire ? cela ne pose-t-il pas la question du groupe ou de la communauté l'ayant engendré jusqu'à oublier son histoire ?
Nous produisons nos propres indifférences et nos amnésies soudaines comme nos angoisses ; nous les pomponnons de jour en jour, même si elles n'ont rien de naturel ou de spontané.
Tout nous y encourage dans la vie quotidienne : le mérite et l'ordre social, l'école et la réussite scolaire, les pressions sociales et l'organisation du travail, les médias autant que la police.
L'émergence de l'individu, c'est cela que nous pourrions aussi désigner comme l'idéologie ; s'affirmer comme soi, c'est faire de la politique, comme Marc-Aurèle le dit tout au long de ses Pensées…
*
Comme Carl Rogers (1902-1987) dans La Relation d'aide, nous postulerons que l'individu seul ne doit pas compter et qu'il faut également le regarder pour le comprendre comme un sujet, avant de l'établir en personne.
Être un sujet, procède du premier pouvoir de dire je, de prendre position comme le sujet d'une action ou d'une parole, d'être un verbe agissant ; par le sujet, l'individu s'engage comme la personne, il se confronte à ses propres limites jusqu'à impacter la réalité, tout autant que la réalité elle-même viendra l'impacter.
Voici la première des métamorphoses, sans doute la plus essentielle, nous donnant la capacité d'aimer, d'anticiper et même de rêver de toutes celles à venir.
*
Contre l'oubli, il nous faut sans cesse revenir à nos dettes originelles ; revenir sur ce en quoi le moi est le débiteur du nous et de l'autre, en revenant sur tout ce que notre présent doit au passé, et ce que nous devons au monde.
Il faut une réelle pédagogie sociale pour parvenir à cette mémoire, pour apprendre à penser par soi-même parmi les autres, puis discerner et agir ; il faut s'y employer chaque jour en mêlant âges, cultures et identités.
‒ Ainsi cultiverons-nous nos métamorphoses...
Olivier-Marie Delouis
Copyright - Tous droits réservés - 2024