Ichikawa Hakugen, moine zen...

07/06/2024

Ichikawa Hakugen, moine zen anarchiste et guerrier de la paix (1902-1986) fut un contributeur important mais presque inconnu à la théorie de l'anarchisme bouddhiste, en particulier à l'anarchisme dans la tradition zen...

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Suivant les traces des prêtres bouddhistes anarchistes Uchiyama Gudo et Taixu, il s'inspira des philosophies européennes et asiatiques pour formuler une critique du capitalisme, une critique de l'État.

Autant qu'une vision fortement critique des hiérarchies bouddhistes auxquelles il se trouvait subordonné comme moine zen ordonné et professeur d'université.

Au cours de sa vie, il usa de cette critique pour dégager publiquement la responsabilité de guerre des organisations bouddhistes japonaises pour leurs positions et leurs actions sous la dictature fasciste que connu l'archipel pendant les guerres brutales de 1931 à 1945 ;

Il dénonçait les complicités religieuses dans la colonisation de la Corée, la conquête de la Mandchourie et de la Chine, puis dans la guerre du Pacifique de la Seconde Guerre mondiale achevée par les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki.

Hakugen a plaidé toue sa vie en faveur d'une réforme de l'éducation publique ; il a cofondé des organisations de protestation contre les guerres de Corée et du Vietnam en s'opposant au soutien japonais aux interventions militaires américaines. [...]

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[...] Pendant le fascisme d'Etat de la guerre de 15 ans (1931-1945), pour survivre intellectuellement, Hakugen forma un groupe d'étude et de réflexion avec Ogasawara, son ancien professeur à Hanazono, Université de Kyoto, et premier théoricien de l'anarchisme bouddhiste.

Son engagement intellectuel et de petits actes personnels de résistance, comme tracer les défaites de l'Axe sur une carte au mur de sa maison, l'aidèrent à maintenir sa foi dans le potentiel libérateur du Zen et sa compatibilité avec un socialisme libérateur.

Il continuait ainsi à développer sa critique des institutions religieuses et à documenter minutieusement leur collusion avec les crimes de guerre impériaux.

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Après la capitulation et l'occupation militaire américaine, la société japonaise put s'ouvrir ; les anarchistes et communistes survivants purent quitter leur cachette, et le Parti communiste japonais fut légalisé dès 1945.

La Fédération anarchiste japonaise, à laquelle Hakugen adhéra peu après sa création fut fondée en 1946.

Cette période vit aussi la réhabilitation de nombreux membres majeurs du fascisme japonais par les autorités d'occupation américaines, celles-ci les considérant comme autant d'alliés politiquement utiles dans la stabilisation du pays.

Cela permit au Japon de devenir une base permanente de la guerre froide pour les opérations américaines en Asie.

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Les institutions bouddhistes reprirent des postures modernisées, changeant très rapidement leur discours en faveur d'une guerre sainte autoritaire en discours de l'anti-guerre ; elles engagèrent leur prosélytisme vers l'étranger, en promouvant une vision anhistorique du bouddhisme zen.

Le présentant sous une forme rénovée, et selon D.T. Suzuki, le célèbre érudit et missionnaire aux Etats-Unis, comme une "religion n'ayant jamais soutenu l'État fasciste ni jamais mené aucune guerre extérieure dans toute son histoire" …

Ce nouveau zen se révéla très populaire auprès de tenants la contre-culture euro-américaine, car ceux-ci cherchaient désespérément une alternative spirituelle, expérientielle et égalitaire aux traditions judéo-chrétiennes.

La version rationnelle, universelle, pacifique et relativement libérale du zen promue par D.T. Suzuki se trouva être pour beaucoup exactement ce qu'ils recherchaient… Et la rhétorique zen de guerre sainte fut ainsi dissimulée avec succès.

Ce fut seulement beaucoup plus tard qu'on s'aperçut de cette situation aboutissant à des paradoxes intenables comme celui d'enseignants zen américains et anarcho-pacifistes comme Robert Aitken devenant disciples du fasciste impénitent et maître zen Hakuun Yasutani... [...]

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[...] En 1949, Hakugen, ayant enseigné en professeur dans le collège d'une école professionnelle durant tout le conflit, devint professeur titulaire à l'Université Hanazono à Kyoto, où il put enseigner l'anglais, le zen et la pensée socialiste.

Constatant la remilitarisation du Japon avec l'intensification de la guerre froide et la réhabilitation des dirigeants fascistes japonais comme de l'idéologie nationaliste, Hakugen lança sa critique de la collaboration du zen avec le fascisme japonais. [...]

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[...] En 1970, Hakugen publie l'un de ses ouvrages de critique anti-guerre les plus connus, le Bouddhiste War Responsibility, lançant ainsi son attaque la plus complète contre les idéologies zen collaborant avec l'État fasciste d'avant-guerre.

Il y revient et décrit sa pensée d'une solution au fascisme bouddhiste, au capitalisme et au socialisme d'État par le communisme anarchiste bouddhiste (B.A.C.) et le communautarisme anarchiste Sunya (S.A.C.) [...]

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[...] Le travail critique d'Hakugen porta ses fruits en 1997, lorsqu'un universitaire, militant anti-guerre et prêtre zen vivant au Japon, Brian Victoria, s'inspira d'Hakugen et publié un livre explosif : Zen at War.

La réponse internationale à Zen at War, grâce à l'activisme acharné de l'étudiante zen néerlandaise Ina Buitendijk, força finalement les dirigeants des principales écoles zen du Japon à présenter des excuses officielles pour leurs positions pendant la guerre de 15 ans.

Pour conclure, il reste aux bouddhistes contemporains de déterminer leur attache à cette pratique d'introspection historique et de justice sociale – comme de progrès dans les pratiques du socialisme libertaire prôné par Hakugen. [...]

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Ces notes sont extraites de la Sixième Aspostille, consacrée à Ichikawa Hakugen, dans notre titre L'Esprit du Samouraï, lettres d'un maître zen à un maître de sabre - mai 2024.


Olivier-Marie Delouis

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